Lili et Grib
voici ce que j'ai trouvé sur les croûtes
Croûte à thé ? Croûte à thé ? Etrange nom, non ? Oui, un drôle de nom convenons-en, pour une drôle d’histoire - on trouve parfois d’étonnants mets en Bretagne pour se sustenter. Et particulièrement dans le Finistère Nord. Plus curieux encore que les mets eux-mêmes, leurs noms… A la lecture des cartes de restaurants ou même des étiquettes dans les commerces, le non averti sera à plus d’un titre surpris.
Ainsi, il y a comme une contradiction — pas loin de l’oxymore ! — dans cet intitulé : Croûte à thé… Qui d’autre qu’un finistérien du Nord pour inventer une si délicieuse pâtisserie et aussi mal la nommer ? Avez-vous déjà essayé à Paris de servir une “croûte” avec un délicieux thé acheté au prix de l’or chez Mariages Frères ? Et bien là-bas, tout au bout de la Bretagne, cela ne pose aucun problème…
Une pâtisserie pour mannequin ?
Car oui, sous cette croûte se cache un exquis gâteau en pâte sablée, garni d’une moelleuse préparation aux amandes et saupoudré de sucre glace. C’est tout simplement excellent pour accompagner un thé — d’où le nom ! — ou un café, mais cela fait également un très bon dessert, ou un superbe quatre heure, voire un petit déjeuner de rêve. Bref, à Brest, il n’y a pas d’heure pour s’envoyer une croûte à thé.
Découvrir la croûte à thé — et l’apprécier — cela se mérite. Il faut d’abord découvrir le Finistère Nord. Quand je suis arrivé dans cette région, il y a quelques années, je suis entré dans une boulangerie sans me douter que ma vie allait changer. Ou presque, car la croûte à thé ne ressemble à rien d’autre. C’est même une chose un peu étrange pour les néophytes : une texture tout d’abord dure — sablé très dense oblige — puis un extraordinaire moelleux à cœur. Côté saveur, rien de sidérant au niveau du sablé typiquement breton. C’est plutôt de cette préparation aux amandes que vient la surprise. Une couleur verte et beau fondant en bouche bien équilibré au niveau saveur. Rien à voir en effet avec de la pâte d’amande. Là, on est sur quelque chose de très près du fruit. D’où une belle amertume sur laquelle vient se greffer juste ce qu’il faut de sucré. Le sucre glace ? Il est juste là pour voir si vous avez apprécié. Les finistériens adorent lorsque les parisiens — qu’ils surnomment les “mannequins” — en ont un maximum autour de la bouche (et du nez ?)…
Dialogues sucrés
Vous l’aurez compris, on devient vite addict… En cas de manque, lorsqu’on est loin de la région de production, surtout ne pas paniquer. Prendre tout simplement un Paris-Brest. Le train, pas le gâteau ! Car l’une des meilleures se mange en effet à la pâtisserie de la librairie Dialogue, en bas de la rue de Siam à Brest… Comment, vous ne connaissez pas la Librairie Dialogues ? Personnellement, j’ai découvert la croûte à thé en même temps que cet extraordinaire endroit purement épicurien où toutes les nourritures — celles de l’esprit mais également les plus terriennes et locales— sont joliment représentées.
C’est en effet un pur plaisir d’y flâner, de feuilleter des livres bien assis dans un fauteuil, en buvant un café ou un thé accompagné d’une… croûte à thé. En sortant, si vous vous sentez lourd, faites quelques mètres jusqu’au Pont de Recouvrance. Là, tout au bord de la rivière Penfeld, arrivent vents et embruns de la rade. Prenez une grande inspiration et soufflez. Répétez l’opération plusieurs fois. Vous sentez cet iode vous remplir les poumons et le vent souffler le sucre glace qui vous restait sur la lèvre supérieure ? Oui ? Alors, retournez aussitôt chez Dialogue en déguster une seconde.
A Paris, on en trouve à la Pâtisserie Viennoise près de l’école de Médecine, dans le 6ème arrondissement. Elles sont bonnes, mais manque un petit quelque chose de iodé et d’humide, un « je ne sais quoi » de breton ou plutôt de finistérien. Vous l’aurez compris, comme tout ce qui est vraiment très bon, la croûte à thé se déguste in situ, en prise direct sur son environnement.
Kenavo !
texte : Laurent Feneau